Les Féministes sur #TT237

Sianan Wukak
5 min readMar 12, 2020

Aurore

Dimanche dernier, c’était le 8 Mars : journée internationale des droits des femmes. À cette occasion, on a vu ressurgir l’éternel débat “qui est féministe ? Et qui ne l’est pas ?” D’un côté, les femmes qui ne se disent pas féministes ; de l’autre, celles qui se disent féministes. Les dernières comme d’habitude rappelant aux premières l’inanité de leur position, les premières disant aux dernières qu’elles ne se reconnaissent pas dans ce mouvement : un véritable dialogue de sourd. Qui est féministe ? Pour certaines c’est toute personne qui se bat pour qu’il y aie une égalité de droits entre femmes et hommes, pour d’autres c’est toute personne qui défend l’idéologie féministe. Si vous demandez c’est quoi le féminisme, j’aurais du mal à vous répondre, car il n’ y a pas le féminisme, mais plutôt des féminismes. Je ne suis pas ici pour être l’arbitre de ce débat, car de mon point de vue la capitalité est ailleurs. Mais où ?

Qui est votre adversaire ?

Dans ma TL, la plupart de celles qui se disent féministes ne font pas partie d’aucune association ou parti politique. Elles mènent leur féminisme, d’après leurs dires, dans l’éducation de leur(s) enfant(s), en essayant d’ouvrir les yeux de leur entourage sur certaines réalités de notre société, en se revendiquant comme tel sur les réseaux sociaux, en soutenant les femmes victimes d’abus sexuels contre leur(s) bourreau(x). On a donc des femmes qui essaient d’influer sur le quotidien des individus auxquels elles ont accès. Tout ceci doit être salué. Toutefois, il me souvient que vous prononcez très souvent — pour ne pas dire de manière obsessionnelle — un mot : “patriarcat”. Le patriacart, si je ne m’abuse, n’est pas un individu mais un système. Il est donc votre adversaire, vu que c’est ce système qui a institué “la domination masculine” (Cf. Bourdieu). À quel moment vous vous attaquez au système ? Et SVP ne me dites que vous croyez que c’est l’éducation de vos enfants qui détruira ce système, parce que peut-être réussirez vous à en faire des individus conscients de ses problématiques, mais le système perdurera. Je répète donc ma question : à quel moment vous vous attaquez au système ?

Assaut sur le système patriarcal

Les Mino du Dahomey

Source: DR/Collectie Stichting National Museum van Wereldculturen/Commons

Le patriarcat existe, car notre société est pensée par des hommes et pour des hommes. C’est dans des institutions (Assemblée nationale, Sénat, Présidence…) dirigées en grande majorité par des hommes, que ce système est institué. Comment combattre efficacement ce système ? Il faudrait déjà que beaucoup plus de femmes — actuellement elles ne sont qu’une infime minorité — se retrouvent dans les sphères où se prennent les décisions, pour que cette société soit désormais pensée par des femmes et des hommes, pour des femmes et des hommes. C’est la seule manière de conjurer la domination masculine, et ainsi oblitérer le patriarcat. Votre assaut sur la sphère politique, est donc une obligation et non une option.

Le danger du féminisme par procuration

Lesnana benz”

Photo crédit : Elle Magazine

Certaines d’entre-vous vivent à l’heure américaine, elles célèbrent le hashtag #metoo, la condamnation d’Harvey Weinstein… C’est bien de se réjouir du bonheur et des succès des femmes vivants sous d’autres cieux ; mais, vous, combien de vos Harvey Weinstein avez vous fait tomber ? Est ce que les lois et les institutions au Cameroun, en ce moment, vous permettent de faire tomber ces criminels ? Il ne faudrait pas que le village planétaire qu’est devenu le monde, vous fasse oubliez que votre combat est au Cameroun et vos Weinstein, à vous, vivent dans la plus totale impunité. Si vous voulez les inquiéter, vous allez devoir conjuguer vos efforts pour influer sur la sphère politique ; car cette c’est dernière, qui leurs permet de bénéficier de cette impunité. Les féministes vivants aux États-unis ont leurs défis, les féministes vivants en Europe ont les leurs, les féministes vivants en Afrique ont également les leurs. Il faudrait que vous en soyez pleinement conscientes, que vous quittiez l’heure européenne ou américaine, pour vous mettre à l’heure africaine. Je vous propose déjà une action, il y’a le code civil camerounais qui comporte pas mal d’articles inacceptables.

Je vous propose qu’on fasse la liste des articles qu’il faudrait abrogés, qu’on lance une pétition qu’on transmettra aux partis politiques, pour qu’ils l’intègrent à leur programme. Voilà une action qui permettrait de s’attaquer au système, à ce patriarcat, que vous honnissez tant.

Crépuscule

Même si je n’ai pas donné, dans leur complétude, les itinéraires pour y arriver, je pense avoir indiqué, avec assez de précision, où était la capitalité. Jusqu’ici, quand je vous lis et vous regarde, je vois : beaucoup de femmes qui s’attaquent à des individus, trop peu qui s’attaquent au système ; beaucoup de femmes révoltées, mais trop peu de révolutionnaires. À celles qui à la lecture de tout ceci, croiront entendre le ton plein d’arrogance d’un phallocrate, je leur retorquerai que vous vous méprenez, car c’est juste que comme Leonora Miano, j’aime les miens avec exigence. Et cette exigence là, qui fait en sorte que je pense que vous pouvez faire plus, que vous devez faire plus. Si vous me demandez pourquoi je pense cela ? Je vous dirais que c’est parce que beaucoup d’entre vous sont brillantes, cependant obnubilées par leur révolte, elles oublient que ce qu’elle doivent mener à bien est une révolution. Au lieu comme les danaïdes, d’essayer de remplir le tonneau pour arriver à l’égalité en droits ; je vous propose d’être des Mino, faisant sourdre du pouvoir, pour conquérir les institutions qui instaurent le patriarcat.

Acceptez la politique dans se plénitude

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Sianan Wukak

"les vérités de tempérament doivent se payer d’une manière ou d’une autre.Les viscères, le sang, les malaises et les vices se concertent pour les faire naître."